Cela
fait déjà quelques mois que nous sommes à Porto, et comme toujours avec
beaucoup de travail et des lectures en retard, puisque surgissent toujours de
nouvelles références. C’est décidément un travail sans fin et de longue
haleine. C’est la raison pour laquelle nous éprouvons le besoin, très souvent
d’ailleurs, de sortir, d’errer dans les dédales de rues, toujours à
l’aveuglette. Un peu à la manière de ces flâneurs du 19ème dans le
Paris Haussmannien. Ici, pas de références architecturales à vous donner. La
ville de Porto est très disparate. La difformité des habitations juxtaposées
les une aux autres est parfois effrayante. Le Soleil, de ses tentacules
rayonnants, ne frappent pas les murs de sa blancheur comme dans la capitale
Lisbonne. La grisaille et l’air frais rendent tristes les couleurs criardes. C’est toujours la Porto de Camilo Castelo Branco, dos Clérigos à
Cedofeita, Da Sé à la place da Batalha ou encore de Campanhã à Massarelos. Bref,
toujours aussi 19ème. Mais, il existe une chose sur laquelle nous ne pouvons
pas tergiverser : Porto sait rendre hommage à ses Héros. Toutes les pierres
de cette ville soufflent aux passants et notamment aux touristes la gloire de
ses Héros. En témoigne, l’imposant monument qui s’érige de la Rotunda da Boavista, semblable à
l’obélisque de la Concorde. C’est
une véritable œuvre d’art qui transcende toute la place, d’un dramatisme
théâtral à couper le souffle et d’une héroïque plasticité historique. La
construction de cette œuvre a commencé en 1909 avec la participation de
l’architecte Marques da Silva et du sculpteur Alves de Sousa. L’inauguration a
eu lieu en 1951. Il est à noter également la collaboration des sculpteurs
Henrique Moreira et Sousa Caldas durant cette longue période de construction.
Le piédestal mesure 45 mètres de hauteur. Il met en évidence les figures du
monument sur plusieurs niveaux qui vont de la base, large et puissante jusqu’au
sommet, où apparaissent les figures de l’Aigle et du Lion qui semblent
suspendus dans les airs. Devant le monument, il est inscrit le numéro MDCCCVIII
et derrière MDCCCIX. Ces deux messages codifiés, à la manière de Porto,
renvoient aux années 1808 et 1809 et plus précisément aux évènements belliqueux
de la seconde invasion française, commandé par Soult. Ainsi,
ce monument ne rend pas hommage aux portugais qui surent résister aux invasions
françaises mais plutôt aux habitants de Porto qui résistèrent et vainquirent
les français de Soult. D’ailleurs, le lion qui éventre, au sommet, l’aigle
impérialiste napoléonien est très explicite à ce sujet. Véritable symbole, donc,
du patriotisme portuense. Il convient
cependant de faire une brève excursion à travers les pages de l’Histoire pour
mieux comprendre la grandeur de ce monument. Durant
la guerre péninsulaire, les troupes de Napoléon Bonaparte envahirent le
Portugal, à trois reprises. Le général Junot, le plus fortuné, prit et conquit
Lisbonne. L’indépendance du pays fut alors terriblement mise en péril. La Cour Royale prit la fuite et se réfugia au Brésil, colonie
d’antan. Le peuple portugais s’insurgea et avec l’aide des troupes anglaises
vainquirent Junot et ses mercenaires, d’abord à Roliça puis à Vimeiro. La
deuxième invasion eut lieu en 1808-1809 et ne dépassa pas la ville de Porto où
le peuple vainquit de manière héroïque, obligeant les français à se réfugier en
Galice. Une troisième tentative échoua en 1811 près de Lisbonne, vers Torres
Vedras. On
commémore, d’ailleurs, cette année les deux cents ans de la deuxième invasion à
Porto et ce monument est le plus emblématique de la ville dans lequel on retrouve
toutes les manifestations du patriotisme portuense
face à l’envahisseur, depuis le terrible évènement de A Ponte Das Barcas
jusqu’à l’effort des habitants de Porto maniant l’artillerie lourde et le
courage du peuple immortalisé par la figure de la femme qui sauve son fils de
la noyade au détriment de sa vie, qui s’efforce de tirer le canon pour
bombarder les troupes ennemies et qui empoigne héroïquement le drapeau
portugais aux premières lignes. Le monument dos Heróis da Guerra Peninsular est
des plus nobles que ma vue m’est donnée à voir. Superbe. Il
ne faut pas non plus oublier le débarquement des troupes libérales à Mindelo et
l’encerclement de la ville de Porto par les troupes absolutistes de 1832 à
1833, d’un côté le futur D. Pedro IV et de l’autre son frère D. Miguel, le Roi.
Là aussi, toutes les figures historiques du cercle peuplent les rues, les
places du Porto d’aujourd’hui : D. Pedro IV, Alexandre Herculano, Almeida Garrett, parmi
tant d’autres… mais aussi Vimara Peres, Ramalho Ortigão, António Nobre, Humberto
Delgado, Flora et plus récemment les joueurs du FC Porto avec l’Avenue des
Champions d’Europe près das Antas.
À
noter également, l’exposition actuelle de Serralves rendant hommage au cinéaste
centenaire de Porto Manoel De Oliveira, en tournage actuellement à Lisbonne…
Porto
est vraiment une ville pas comme les autres, où la fierté d’appartenir à cette
ville est bien plus forte que le sentiment d’être portugais.