José Rui Teixeira
José Rui Teixeira est un collègue doctorant à l’Université de Porto que nous fréquentons Sarah et moi. Il m’a été présenté par notre directeur de recherches que nous avons en commun, Maria João Reynaud. José Rui Teixeira prépare une thèse en littérature portugaise sur Guilherme Faria, poète méconnu dont il explore le fonds littéraire et dont il publie l’oeuvre, car il est également éditeur.
Cela doit certainement éveiller en vous quelques souvenirs… En effet, votre Paolo travaille, lui aussi, sur un poète méconnu, et qui se nomme d’autant plus Faria. Il s’agit plus précisément, me concernant, de Daniel Faria. Jeune (de par l’expérience) poète d’une vertu ecclésiastique sempiternelle et qui se distingue par une profonde quête de l’expérience du mot, comme allégorie d’un parcours ascético mystique. Il s’agit, pour les plus intéressés, d’une quête ascensionnelle entraînant la dépossession des biens matériels et l’envol de l’esprit dans l’union avec le Divin. Mais, revenons donc à ma première intention, à savoir la présentation de José Rui Teixeira.
Il est né à Porto en 1974. Il possède une licence en Théologie, qu'il a obtenu à l'Université Catholique de Porto avant de continuer en Philosophie à l’Université de Lettres de Porto où il a fait une
maîtrise. Il est professeur au Collège Luso-Français où il enseigne
J’aimerai
vous parler d’un de ses livres qui fut dernièrement finaliste d’un Prix
Littéraire : O Prémio Teixeira Pascoaes. Il s’agit de Oráculo, publié chez Quasi en 2006. C’est une brève anthologie qui
regroupent trois livres : Oráculo,
Assim na Terra, Melopeia (Oracle, Ainsi sur Terre, Mélopée). Mais, c’est avant tout de Oráculo dont je compte vous parler. 10 poèmes. 3 fois 3 plus 1.
Trois temps plus le temps de l’écriture. Trois discours visuels… La
poésie de José Rui Teixeira est marquée par la fraction du temps tout
comme la fraction eucharistique : «Je parle de la fraction du temps/qui dure
une éclipse dans les yeux» p 50. Cet instant qui s’éclipse, fuit la rétine, est
cependant cristallisé par la mémoire ou plutôt par le regard de la mémoire.
Tout est image. Les intervalles de temps que la poésie de José Rui Teixeira
contemple, incluent des moments de vies ; réminiscences des trois temps de
Os
que vão morrer adormecem
como
se a terra lhes pesasse
desmesuradamente
sobre a carne.
como
insectos lhes devorassem
as
entranhas. E morrem por amor, creio.
Ceux qui vont mourir,
s’endorment
comme si la terre les pesaient
démesurément sur la chair
comme si des insectes leur
dévoraient
les entrailles. Et ils meurent
par amour, je crois. (p12)
C’est là le premier palier de la quête ascensionnelle de
José Rui Teixeira qui se poursuit avec rigueur, dans un processus toujours
équivalent à celui déjà mentionner. «Mourir par Amour» caractérise l’amour
sempiternel fruit la dévotion ecclésiastique. Dans cette seconde étape, le
poète convoque son passé dans un discours visuel afin de s’en défaire :
«lorsque j’étais enfant les murs de la maison/ étaient perméables à la lumière.
Ma mère/ avait la densité intérieure d’une table/ et les bras extensibles comme
des torches/ vers l’extérieur ou les bois de boulaux» p13. En Somme, il s’agit
d’une forme de purge totales des sens pour fusionner avec l’être divin, seuil
de la connaissance universelle. Enfin, le troisième temps dénote l’attente et
finalement la fusion avec le divin : «Tu es devenu diaphane pendant que tu
attendais/ le silence purifié de la fin» p16. Cette fin renvoie à fin du
processus de purgation spirituelle dans lequel l’âme purifiée peut embrasser le
divin : «Tu m’as dit à l’oreille : nous sommes encerclés de morts»
p17. Les morts ne sont pas des morts mais, oui, ceux qui périssent et subissent
les méfaits de la société dans laquelle nous vivons, où subsistent des valeurs
mercantiles. Le message que nous délivre la poésie de José Rui Teixeira est
simple : se défaire de ce poids, se délester de la société d’aujourd´hui.
Cela passe par un travail personnel, une introspection des sens dans une
constante évocation des images pour s’en défaire. Il faut alors se décorrompre et savoir écrire
l’authenticité de nos vies. Je pense et, notamment à cette époque de l’année,
qu’il faut savoir offrir à chacun ce qu’il y a de vrai en nous. Ne pas éduquer
les nôtres à coup de babioles futiles et insignifiantes mais de privilégier
l’amour de l’autre, de le toucher spirituellement. Vous verrez, je Crois,
qu’ensemble nous franchirons un pas important vers un micro-monde meilleur. Vous ne rendrez pas plus heureuse une
personne, en la gratifiant d’un vulgaire cadeau acheté dans une grande surface.
Une fois par an. Pour l’ignorer le restant de l’année. Écoutons-nous et
regardons-nous… Je pense que c’est là le message que nous délivre cet Oracle
des poèmes de José Rui Teixeira. Dieu est en chacun de nous, il suffit de
donner corps à ces manifestations les plus profondes. Enfin, l’écriture imagée de José Rui Teixeira, en perpétuel
dialogue avec les œuvres de Saint Jean de
Os
velhos esperam os filhos dos filhos ao meio dia
como
se esmagassem a força dos dedos contra
as
carótidas e não houvesse tempo de vê-los crescer.
atravesso
a rua ao meio dia. Oráculo do Senhor.
E
estremeço com o olhar lânguido da adolescente
que
madura o útero na opacidade comovida
da
sua juventude. Repito : o coração é um órgão
incendiado.
Mas tu disseste-me : não despertes
o
que dorme, não agites as águas paradas;
encontrarás
Deus nas margens do grande rio.
comme s’ils pressaient la
force de leurs doigts sur
les artères carotides et qu’il
n’y avait plus le temps de les voir grandir
je traverse la rue à midi.
Oracle du Seigneur.
Et je tremble de voir le
regard languide de l’adolescente
qui mûrit l’utérus dans
l’émouvante opacité
de sa jeunesse. Je
repète : le cœur est un organe
enflammé. Mais tu m’as
dit : n’éveille pas
ceux qui dorment, n’agite pas
les eaux immuables ;
Tu trouveras Dieu dans les rives du grand fleuve.
in José Rui
Teixeira, Oráculo, Éditions Quasi, 2006
:Vila Nova de Famalicão, p 18.
Traduction de P.A