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Uma aventura no Porto
5 décembre 2008

José Rui Teixeira

 

Or_culoJosé Rui Teixeira est un collègue doctorant à l’Université de Porto que nous fréquentons Sarah et moi. Il m’a été présenté par notre directeur de recherches que nous avons en commun, Maria João Reynaud. José Rui Teixeira prépare une thèse en littérature portugaise sur Guilherme Faria, poète méconnu dont il explore le fonds littéraire et dont il publie l’oeuvre, car il est également éditeur.

Cela doit certainement éveiller en vous quelques souvenirs… En effet, votre Paolo travaille, lui aussi, sur un poète méconnu, et qui se nomme d’autant plus Faria. Il s’agit plus précisément, me concernant, de Daniel Faria. Jeune (de par l’expérience) poète d’une vertu ecclésiastique sempiternelle et  qui se distingue par une profonde quête de l’expérience du mot, comme allégorie d’un parcours ascético mystique. Il s’agit, pour les plus intéressés, d’une quête ascensionnelle entraînant la dépossession des biens matériels et l’envol de l’esprit dans l’union avec le Divin. Mais, revenons donc à ma première intention, à savoir la présentation de José Rui Teixeira.

Il est né à Porto en 1974. Il possède une licence en Théologie, qu'il a obtenu à l'Université Catholique de Porto avant de continuer en Philosophie à l’Université de Lettres de Porto où il a fait une maîtrise. Il est professeur au Collège Luso-Français où il enseigne la Théologie et la   Philosophie. Il est chercheur au Centro de Estudos do Pensamento Português da Universidade Católica. Et, pour conclure, il est également éditeur comme je vous l’ai souligné initialement, chez Cosmorama (vous trouverez le lien direct dans la barre «Notre Univers», «Editoras»). Si je vous ai parlé de Daniel Faria – auteur sujet de ma thèse de doctorat – en introduction ce n’était pas de manière anodine, car Daniel Faria et José Rui Teixeira furent, au cours des dernières années de vie de Daniel Faria, de très bons amis. Ils ont en commun un parcours ecclésiastique. En effet, ils furent séminaristes chez les bénédictins et gravirent presque simultanément les marches de Dieu. J’ai rencontré José Rui Teixeira, pour la première fois, à la fac où nous nous sommes cloîtrés dans un silence sonore très limpide, clair… Il m’expliqua pendant plus d’une heure sa relation au poète Daniel Faria puis m’exposa les problèmes éditoriaux que connut l’œuvre du poète Daniel Faria. Nous sommes toujours en contact et son aide est d’une grande importance. Nous devons nous rendre au monastère de Singeverga, où mourut Daniel Faria, pendant les vacances de Noël afin de recueillir des témoignages et des éléments biographiques capables de retracer un parcours, une vie.

J’aimerai vous parler d’un de ses livres qui fut dernièrement finaliste d’un Prix Littéraire : O Prémio Teixeira Pascoaes. Il s’agit de Oráculo, publié chez Quasi en 2006. C’est une brève anthologie qui regroupent trois livres : Oráculo, Assim na Terra, Melopeia (Oracle, Ainsi sur Terre, Mélopée). Mais, c’est avant tout de Oráculo dont je compte vous parler. 10 poèmes. 3 fois 3 plus 1. Trois temps plus le temps de l’écriture. Trois discours visuels… La poésie de José Rui Teixeira est marquée par la fraction du temps tout comme la fraction eucharistique : «Je parle de la fraction du temps/qui dure une éclipse dans les yeux» p 50. Cet instant qui s’éclipse, fuit la rétine, est cependant cristallisé par la mémoire ou plutôt par le regard de la mémoire. Tout est image. Les intervalles de temps que la poésie de José Rui Teixeira contemple, incluent des moments de vies ; réminiscences des trois temps de la Sainte Trinité, consubstantiels à un seul temps, une seule nature : Dieu. Ainsi, le mouvement du temps ne se manifestent pas en de longues et ternes descriptions ; mais plutôt, dans une spatialisation du temps photographique du corps. Trois temps : «Os que vão morrer trazem o fogo», «Quando eu era criança…», «Tornaste-te diáfana», qui renvoient méthodiquement au chemin de la connaissance divine, trois étapes ascensionnelle de l’union divine. La mort est ici évoquée et même invoquée dans un futur périphrastique qui conduit au processus de dépossession des biens matériels :

Os que vão morrer adormecem

como se a terra lhes pesasse

desmesuradamente sobre a carne.

como insectos lhes devorassem

as entranhas. E morrem por amor, creio.

 

Ceux qui vont mourir, s’endorment

comme si la terre les pesaient

démesurément sur la chair

comme si des insectes leur dévoraient

les entrailles. Et ils meurent par amour, je crois. (p12)

C’est là le premier palier de la quête ascensionnelle de José Rui Teixeira qui se poursuit avec rigueur, dans un processus toujours équivalent à celui déjà mentionner. «Mourir par Amour» caractérise l’amour sempiternel fruit la dévotion ecclésiastique. Dans cette seconde étape, le poète convoque son passé dans un discours visuel afin de s’en défaire : «lorsque j’étais enfant les murs de la maison/ étaient perméables à la lumière. Ma mère/ avait la densité intérieure d’une table/ et les bras extensibles comme des torches/ vers l’extérieur ou les bois de boulaux» p13. En Somme, il s’agit d’une forme de purge totales des sens pour fusionner avec l’être divin, seuil de la connaissance universelle. Enfin, le troisième temps dénote l’attente et finalement la fusion avec le divin : «Tu es devenu diaphane pendant que tu attendais/ le silence purifié de la fin» p16. Cette fin renvoie à fin du processus de purgation spirituelle dans lequel l’âme purifiée peut embrasser le divin : «Tu m’as dit à l’oreille : nous sommes encerclés de morts» p17. Les morts ne sont pas des morts mais, oui, ceux qui périssent et subissent les méfaits de la société dans laquelle nous vivons, où subsistent des valeurs mercantiles. Le message que nous délivre la poésie de José Rui Teixeira est simple : se défaire de ce poids, se délester de la société d’aujourd´hui. Cela passe par un travail personnel, une introspection des sens dans une constante évocation des images pour s’en défaire. Il faut alors se décorrompre et savoir écrire l’authenticité de nos vies. Je pense et, notamment à cette époque de l’année, qu’il faut savoir offrir à chacun ce qu’il y a de vrai en nous. Ne pas éduquer les nôtres à coup de babioles futiles et insignifiantes mais de privilégier l’amour de l’autre, de le toucher spirituellement. Vous verrez, je Crois, qu’ensemble nous franchirons un pas important vers un micro-monde meilleur. Vous ne rendrez pas plus heureuse une personne, en la gratifiant d’un vulgaire cadeau acheté dans une grande surface. Une fois par an. Pour l’ignorer le restant de l’année. Écoutons-nous et regardons-nous… Je pense que c’est là le message que nous délivre cet Oracle des poèmes de José Rui Teixeira. Dieu est en chacun de nous, il suffit de donner corps à ces manifestations les plus profondes. Enfin, l’écriture imagée de José Rui Teixeira, en perpétuel dialogue avec les œuvres de Saint Jean de La Croix et de son aîné Daniel Faria, est un discours fortement visuel dans lequel le poète cherche une lumière dans le silence de la purge d’un monde en perdition. Les images que nous offrent ce poète demeurent en nous comme celles qui jaillissent des métaphores les plus abstraites :

Os velhos esperam os filhos dos filhos ao meio dia

como se esmagassem a força dos dedos contra

as carótidas e não houvesse tempo de vê-los crescer.

atravesso a rua ao meio dia. Oráculo do Senhor.

E estremeço com o olhar lânguido da adolescente

que madura o útero na opacidade comovida

da sua juventude. Repito : o coração é um órgão

incendiado. Mas tu disseste-me : não despertes

o que dorme, não agites as águas paradas;

encontrarás Deus nas margens do grande rio.

 

 Les vieux attendent les enfants de leurs enfants à midi

comme s’ils pressaient la force de leurs doigts sur

les artères carotides et qu’il n’y avait plus le temps de les voir grandir

je traverse la rue à midi. Oracle du Seigneur.

Et je tremble de voir le regard languide de l’adolescente

qui mûrit l’utérus dans l’émouvante opacité

de sa jeunesse. Je repète : le cœur est un organe

enflammé. Mais tu m’as dit : n’éveille pas

ceux qui dorment, n’agite pas les eaux immuables ;

Tu trouveras Dieu dans les rives du grand fleuve.


in José Rui Teixeira, Oráculo, Éditions Quasi, 2006 :Vila Nova de Famalicão, p 18.

 

Traduction de P.A

 


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